Pasteur N’Goran Israël : nous avons pris le temps de bien lire ses vidéos…

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Évidement il est dangereux de livrer une communauté à la vindicte populaire. Surtout dans cette Côte d’Ivoire à la santé si fragile. Évoquer le terme « Dioula » dans une vidéo qui laisse entendre des phrases comme « ennemis de la Côte d’Ivoire… » est encore pire. Mais nous avons relu les vidéos du Pasteur Israël N’Goran Konan Koffi. L’homme qui a été arrêté le 01 août dernier par la police « pour incitation à la haine et à la révolte contre des communautés… »  Analyse à froid.

Revenons à la racine « du mal » pour mieux le traiter : « Les Dioulas, poussés comme une gangrène, sont les ennemis de la Côte d’Ivoire et n’ayant pas encore eu le temps de nous étouffer, cherchent à nous mettre à genoux… » Voici les mots qui selon M. Adou Richard, Procureur de la République de Côte d’Ivoire, suffisent à justifier l’arrestation du Pasteur Israël N’goran.

Oui, effectivement en première lecture, nous-mêmes n’hésiterons pas à rejoindre ceux qui jetteront la pierre à l’auteur de cette vidéo. A chaud (précision importante), c’est ensemble que nous crierons condamnez-le !

Mais a-t-on pris la peine de bien lire les vidéos d’Israël N’Goran ?

Il faut dire que la vidéo qui a conduit à l’arrestation de M. Israël N’Goran ne dure pas plus de 2 minutes. Car c’est en plein tournage (vidéo) que celui-ci a reçu la visite des agents de la police. Nous l’avons réécoutée. Et nous avons entendu ceci : «  (1) C’est une autre valeur de notre hospitalité de considérer les peuples qui nous entourent comme des amis. Nous ne devons pas les voir en ennemis parce que notre travail n’est pas d’être en conflit avec eux. (3) Ces peuples se sont-ils comportés en amis avec nous ? »

Exactement trois(3) phrases principales signent le contenu vocal de cette vidéo. A savoir deux affirmations : (1) C’est une autre valeur de notre hospitalité de considérer les peuples qui nous entourent comme des amis. (2) Nous ne devons pas les voir en ennemis parce que notre travail n’est pas d’être en conflit avec eux. Et enfin une interrogation : « Ces peuples se sont-ils comportés en amis avec nous ? »

Questions donc aux experts du Droit :Pouvez-vous nous dire en quoi est-ce que ces propos constituent-ils une infraction en Côte d’Ivoire ? L’auteur n’a-t-il pas suffisamment démontré son  ‘’amour’’ pour « les peuples qui nous entourent » ? Dr. N’Goran Israël n’est-il pas bien au contraire assez hospitalier en insistant sur le fait que « C’est une autre valeur de notre hospitalité de considérer les peuples qui nous entourent comme des amis. » Est-ce un délit que de dire : Nous ne devons pas les voir en ennemis parce que notre travail n’est pas d’être en conflit avec eux. ?  En posant la problématique : « Ces peuples se sont-ils comportés en amis avec nous ? » Suffit-il à valoir une arrestation en Côte d’Ivoire ?   Si l’on ne devait considérer que ces trois petites phrases, on peut conclure sans se tromper qu’il y a matière à soutenir ceux qui pensent que l’arrestation d’Israël N’Goran encore moins l’étiquette de xénophobe qu’on lui colle, ne reposent pas des fondements solides.

Ou alors parce qu’il a prononcé le terme Dioula ?

«  Les Dioulas, poussés comme une gangrène, sont les ennemis de la Côte d’Ivoire et n’ayant pas encore eu le temps de nous étouffer, cherchent à nous mettre à genoux… » Sur la chaine YouTube du concerné, nous avons retrouvé une autre vidéo dont la lecture révèle les propos relayés ci-dessus. Mais là encore le Pasteur qui n’est pas du tout analphabète a pris la peine d’éplucher son intervention de toute équivoque. Israël N’Goran dit précisément ceci : «  Il ne faut pas confondre les populations du nord de la Côte d’Ivoire et les Dioula. Je suis fier des peuples du nord de la Côte d’Ivoire. J’ai eu à défendre ces populations que je respecte beaucoup. Le Dioula est une langue véhiculaire…. »

Prendre l’intervention dans son contexte

L’accusé souligne parler des « ennemis de la Côte d’Ivoire ». De ces personnes qui dans leur élan affairiste piétinent nos valeurs. Ces individus qui se comportent comme dans un no man’s land. Ceux-là qui n’hésitent pas à mépriser les autres quant à la protection de leurs intérêts.  Peut-être que N’Goran Koffi Israël a osé porter la voix des millions de sans voix vivant en Côte d’Ivoire. Sinon les ennemis, sans doute la Côte d’Ivoire n’en manquent. Cette race d’Hommes d’affaires pousse effectivement. Du moins à en croire un autre leader religieux.

En effet, le mercredi 21 juin 2017 au cours de la célébration de la nuit du destin à laquelle a pris part le premier des Ivoiriens (ADO) et des membres du gouvernement, l’Imam Ousmane Diakité de la Mosquée Arafat de la Riviera Bonoumin,  a dénoncé le fléau d’enrichissement illicite en Côte d’Ivoire. «  …Il s’agit d’une part des biens interdits du fait de leur nature  ( alcool, drogue)  , d’autre part des biens interdits en raison de leur voie d’acquisition ( la fraude ou la corruption, l’accaparement des biens d’autrui, les faux monnayage…. » S’est-il offusqué.  Des choses qui, préviendra-t-il, provoquent la colère d’Allah.  Et toujours selon le religieux, cette colère peut se manifester sous diverses formes « :(maladies, catastrophes naturelles, les épidémies ou même la désunion.) »

Alors Oui, ceux-là sont les ennemis de la Côte d’Ivoire. Parce qu’à cause de leurs propres forfaits, tout un peuple peut subir la colère du Tout Puissant. Et ce dignitaire de l’Islam ne parle pas dans le vide ; tout comme M. Israël N’Goran.

Mais qui est Israël N’Goran ?

Pasteur Israël N’Goran Konan Koffi n’est pas étranger de l’arène politique ivoirienne. L’homme a même tenté de briguer la magistrature suprême en 2015.  Si homme politique il est, admettons que sa posture d’opposant ou alors d’observateur lui donne le droit de porter des critiques. Entendons-nous encore ; (mais cela ne lui donne pas le droit de proférer des propos désobligeants). Quand bien même en Côte d’Ivoire, nous sommes presque habitués à des déclarations bien plus graves. Nous avons entendu, vu et lu des déclarations telles que « …Qui s’en prend au Chef de l’État (Ado) finira au cimetière… », «  La Côte d’Ivoire ne peut pas avoir la paix s’il n’y a pas la paix et l’unité au sein du Rhdp » ,  » Qui s’oppose à la machine Rhdp sera broyé … » Et tout récemment «  …Tient Monsieur Ouattara pour responsable de tout ce que cette fuite en avant délibérée et irresponsable pourrait causer au pays, à ses habitants, ainsi qu’à tous ceux qui ont des intérêts dans notre pays… » Et dire que ce sont les moins incisives de l’ambiance politique ivoirienne.

En décryptant l’intervention d’Israël N’Goran singulièrement l’expression  « Poussée comme une gangrène…. » l’on constate qu’il ne s’agit guère ici d’une comparaison active. Il est plutôt question de comparaison passive.  Il n’a pas dit « les Dioulas sont une gangrène ». Mieux dans son analyse, l’accusé n’a nulle part appelé à la révolte contre ces Dioulas. Encore moins-parlant des « étrangers »- demandé que les Ivoiriens s’en prennent à ceux-ci.

La ville d’Agboville, site de tournage, ce qu’il faut peut-être comprendre

La dernière vidéo d’Israël fut tournée à Agboville. Voici pourquoi il est  important de le souligner. En effet  KOACI.COM, site d’information bien connu de l’écosystème des médias en Côte d’Ivoire, publiait ceci le vendredi 04 mai 2018 : ( morceaux choisis ) « Les germes à conflits constatés à l’ouest du pays récemment à Guiglo semble se profiler à l’horizon dans le département de l’Agnéby-Tiassa en témoigne l’information révélée par Nana…. Il y a à peine une semaine quand des frères Baoulés sont venus chez moi accompagnés par un notable d’Azaguié pour leur dire que des burkinabés leur ont pris environs 12 millions de F CFA pour leur donner des parcelles terres dans la forêt classée entre Azaguié et Yapo. J’ai envoyé des émissaires faire des photos et effectivement en dehors de la bordure de route, la forêt est en train d’être détruite massivement. Malheureusement pour eux, quand d’autres burkinabés sont arrivés, ils les ont chassés pour les donner aux burkinabés qui viennent d’arriver », a déclaré Nanan N’Doli, ajoutant que les jeunes d’Agboville ont donné jusqu’à fin juin 2018 si ces burkinabés aperçus dans cette forêt classée sont encore là, ils vont s’organiser pour les déguerpir. …l’occupation des terres actuellement dans le département de l’Agnéby-Tiassa, avait causé deux morts, une vingtaine de blessés et près de 2000 déplacés. « Que l’Etat prenne ses responsabilités  » Les faits sont têtus.

Et il n’y a pas qu’Agboville. En tant que leader, pasteur ou alors personnage politique, il est de notoriété qu’il puisse porter la parole de la masse. Les populations d’Agboville, les planteurs qui vivent dans cette région souffrent énormément au regard de ces faits rapportés par ce confrère. Est-ce normal que dans un pays de droit des non nationaux (Ndlr : ces frères) se permettent de vendre des terres ? Ne sommes-nous pas tous coupables des probables conflits fonciers qui pourraient survenir dans cette zone ? Doit-on rester muets devant cette situation et subir ses conséquences ? Est-il condamnable de tirer la sonnette d’alarme ?

Qu’en est-il d’Affou Keita (la chanteuse) ? 

Le 12 février 2018, les internautes ont reçu une vidéo de l’artiste Affou Kéita dans laquelle la chanteuse attaquait ouvertement la communauté libanaise.  En malinké et aussi dans un français approximatif, disait ceci à propos de cette communauté : « Je ne peux pas comprendre que des gens quittent leur pays et viennent dominer des Ivoiriens. Il existe des rues au Liban sur lesquelles les Noirs n’ont pas le droit de circuler. Attention à vous les Libanais ! Faites tous pour éviter qu’on se croise. L’heure est grave…….  » Cette vidéo a été rediffusée par la Page d’Affairage 24 qui n’a pas moins de 62 0000 abonnés ensuite reprise par d’autres plateformes connexes.  L’auteur n’a pas usé du dos de la cuillère pour parler. Elle menace directement les Libanais. Dans le même temps Affou Kéita dit défendre les commerçantes du marché Forum d’Adjamé. Nous sommes sans ignorer que la majorité de ces femmes ne sait ni lire ni écrire. Nous savons aussi la vulnérabilité de celles-ci face à la manipulation. Nous sommes conscients que dans ce milieu une étincelle peut se transformer rapidement en un incendie. Nous convenons aussi qu’en tant qu’artiste, l’auteur de cette vidéo a une influence et peut du coup être largement suivie dans sa logique de menaces et tutti quanti.

Il n’en reste pas moins ahurissant qu’Affou Kéita n’a pas du tout été inquiétée.  A -t-on analysé et comparé  le degré de dangerosité des deux vidéos ? Pasteur Israël n’a-t-il lui au moins souligné que les Ivoiriens ont le devoir de considérer les étrangers comme des amis ?  N’est-ce pas dans le cas d’Affou  que l’on devrait parler de délires schizophréniques ? Le fait d’être proche du Pasteur Koré Moise (proche de Gbagbo) n’est-il  pas la vraie raison de cette arrestation ? Ne sommes-nous pas en train de porter entrave à la dynamique de réconciliation nationale dans laquelle semble s’inscrire le Chef de l’État ?

Grace aux critiques, aux observations sur les réseaux sociaux, la gouvernance s’améliore davantage sous nos tropiques. Les citoyens comme Israël ne sont-ils pas plutôt des artisans actifs de ce chantier ? Cet observateur ne méritait-il pas de bénéficier de l’acte de grâce posé par le Président de la République le 06 août dernier ? Nous pensons pour notre part que Pasteur Israël doit être libéré.

Marius Aka Fils   

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