Contribution : Regard sur la démarche RSE des multinationales françaises en Côte d’Ivoire (Sylvain Mel)

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L’idée de cette chronique part d’une logique simple. Les multinationales françaises, basées en Côte d’Ivoire, ont-elles une démarche Rse à la dimension de ce qu’elles gagnent dans le Pays. D’aucuns diront, pourquoi la France ? Et, on pourrait leur rétorquer pourquoi pas la France, le pays colonisateur et son tissu économique national dense et inextricable.

Orange Côte d’Ivoire, Cie-Sodeci, Ciprel, des filiales du groupe français Eranove, Solibra du milliardaire Pierre CastelSociété Générale et Bicici, Bolloré Africa Logistics…et très récemment Carrefour, Midas…etc. Aucun secteur d’activités n’échappe au quadrillage économique de la France en Côte d’Ivoire. Cependant, pour ce qui est des engagements sociétaux, les entreprises françaises en Côte d’Ivoire n’ont pas le même niveau d’investissement. Pourquoi ?

Liés par l’histoire, les deux pays, on le sait, partagent des interactions culturelles, économiques et sociales  qui durent depuis l’ère coloniale. La France a toujours souhaité  positionner son leadership sur les grandes questions qui touchent à l’histoire du monde. On l’a vu avec les premiers textes fondateurs de la déclaration universelle des droits de l’homme (1789) et pour plusieurs autres raisons que je ne voudrais pas énumérer ici, pour échapper à une inutile et ennuyeuse digression.

Avec le Développement Durable et la Rse, son appendice dévolu au secteur privé, la politique RSE française est à la fois stratégique et humanitaire. Lorsqu’en septembre 2015, le pacte mondial du Développement Durable est lancé, les grandes nations, dont la France, comprennent qu’il est possible d’en faire un puissant outil à leur service. Comme un hydre de lerne, ceux qui ont rédigé le document officiel, pour des raisons évidentes de communication et d’acquisitions mnémotechniques, ont décliné les 17 Objectifs du Développement Durable (ODD) en cinq axes sous l’acronyme « 5P» (Peuple, Prospérité, Planète, Paix, Partenariat). Et c’est là, que la France, à travers, ses multinationales a bâti toute sa stratégie Rse pour la Côte d’Ivoire et le Continent.

Tous les fiscalistes du monde, savent que « donner, favorise des exonérations fiscales ». En Côte d’Ivoire, le Code  Général des Impôts, en son article 18, relatif aux « dons et  libéralités consentis » est très parlant à ce sujet. Petit florilège : « la valeur des dons consentis  est déductible dans la double limite de 2,5 % du chiffre d’affaires et de 200 millions de francs par an ».

En clair, si vous avez, tout au plus de 200 millions de Chiffre d’Affaires, les 2,5% maximum que vous êtes autorisé à déduire en termes d’engagement social deviennent des bénéfices fiscalement s’entend.  Mieux, « le coût de réalisation des routes, pistes rurales, hôpitaux, dispensaires, écoles et châteaux d’eau réalisés par les entreprises privées au profit des collectivités territoriales ou des populations sont également déductibles des résultats de ces entreprises, dans la double limite de 3% du chiffre d’affaires et de 500 millions de francs par an ». Surtout, n’allez croire que ce sont ces petits gains fiscaux qui résument la démarche Rse de la France en Côte d’Ivoire.

Elle va plus loin. Le navire de guerre – permettez l’expression car la Rse est déjà un enjeu de compétition majeur entre les grands groupes internationaux- s’appelle Proparco. C’est une filiale de l’Agence française de Développement (Afd), qui promeut justement « le développement durable en matière économique, sociale et environnementale ». En ligne de mire, l’écosystème du secteur privé ivoirien, et par ricochet africain.

A travers le projet « Choose Africa », Proparco s’est engagée à soutenir l’entrepreneuriat africain à hauteur de «  2,5 milliards (…) jusqu’en 2022. L’initiative devrait bénéficier à près de 10.000 PME. Dans un rapport assez succinct de 48 pages publié en 2018, sur l’approche de l’institution, en matière de développement durable, Grégory Clémente, Directeur Général de Proparco, expliquait « le secteur privé est devenu un acteur économique qui influence de manière significative les trajectoires de développement des pays et qui s’avère donc un élément clé de la politique d’aide au développement ».

Plus loin, dans le même rapport, la stratégie de l’organisation est un peu plus détaillée : nombre d’emplois directs et indirects créés et (ou)  maintenus, nombre de tonnes de CO2 équivalent évitées, nombre de personnes théoriques qui auront accès à un bien ou un service essentiel, nombre de projets innovants offrant des solutions adaptés à la population, nombres d’entreprises accompagnées sur leur démarche RSE. Des indicateurs qui confirment les aspirations des entreprises françaises, en matière de RSE et la dimension transversale de leur stratégie en Côte d’Ivoire. S’engager au plan environnemental et sociétal sans vraiment occulter les urgences économiques. Voici l’idée !

Nous connaissons tous, l’entreprise Nsia. Seulement, plusieurs d’entre nous, savaient moins que cette entreprise, l’une des rares multinationales ivoiriennes, a bénéficié en 2018 pour le compte de sa filiale « Banque » d’un prêt de 20 millions de FCFA de Proparco, au titre du renforcement de ses capacités de gouvernance. Lequel renforcement concerne essentiellement les ressources humaines, le Marketing et Communication ou encore des programmes de formation à l’endroit du personnel.

Comme c’est souvent le cas, avec les grands groupes, on se retrouve finalement avec des programmes touchant à la Qualité Hygiène Santé, Sécurité et Environnement(Qhsee) qui donnent accès à des normes Iso. En un mot, il est question ici de RSE, déguisée en « service financier » dédié.

Vous remarquerez que les multinationales françaises les plus dynamiques sur le front social sont celles qui vendent des biens et services à grandes échelles. Pour la simple et bonne raison qu’elles ont besoin de tirer des bénéfices images. Pour le reste, ce sera franchement le minimum syndical ou encore des obligations de devoir moral comme la crise du Covid-19 que nous vivons actuellement. On peut vous donner d’une main et le reprendre de l’autre.

A mardi Prochain !

Sylvain Mel

Journaliste-écrivain, Spécialiste des ODD, de l’humanitaire et de l’entrepreneuriat social

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