Le bouleversement de l’ordre suscité par son élection en France donnait à oublier Foccart, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande. Ces grandes figures de la Françafrique. Heureusement, le naturel revient toujours aux galops. De l’Elysée on n’a plus d’yeux pour des amis mais plutôt pour des intérêts. Emmanuel Macron n’a donné qu’une couche cosmétique à la pratique. Nous sommes dans la Françafrique 2.0.
Macron est tout d’abord un brillant personnage. Par conséquent il sait choisir les termes appropriés à l’auditoire en face. Le samedi 21 décembre dernier, au Palais présidentiel ivoirien, alors qu’il supervisait, vigilance accrue, aux côtés de son homologue ivoirien, une série d’accords, le meneur de La République en Marche tenait un discours de « vérité » : « La colonisation est une faute de la République (Ndlr : Française)… Je rejette cette influence qu’exerçait jusque-là la France sur les pays africains. Faites-nous confiance, nous ne ferons pas comme les autres … »
En première lecture, on peut se permettre ce rêve. Celui de penser qu’Emmanuel s’attèle à se débarrasser des oripeaux de la Françafrique. Mais il faut très vite sortir de ce songe. Car celui qui parle est le Président de la »grande France ». Grande parce que métropole de quasiment tout un continent. Puissante parce qu’exerçant une hégémonie triomphante sur un espace vaste de plusieurs millions de Km² et régentant du coup la vie de plus d’une centaine de millions d’habitants.
D’ailleurs il fallait voir au-delà du décor saisissant de la salle des pas perdus. Pour détecter la contradiction entre ces ‘’mots forts’’ et les réalités du terrain. Quatre (4) accords de coopérations signés parmi lesquels celui portant sur les installations mises à disposition des forces françaises en Côte d’Ivoire. Tandis que les bases militaires françaises sont de plus en plus refoulées dans la conscience collective africaine.
Le Président français vient à Abidjan pour enraciner davantage le 43è Bima pendant que dans le même temps, il tient un discours dans lequel il dit être disposé à aider l’Afrique à s’affranchir totalement et définitivement du joug colonial.
Et le paradoxe est d’autant plus frappant au sujet du chapitre CFA. : « C’est en entendant votre jeunesse que j’ai voulu engager cette réforme…Je vois votre jeunesse qui nous reproche de continuer une relation qu’elle juge postcoloniale. » A déclaré Emmanuel Macron.
Cependant dans des accords non écrits, en contrepartie, les pays concernés doivent accepter que l’ECO soit fabriquée en France, prioriser l’expertise française dans l’exécution des marchés, s’endetter sans réserve auprès dans l’hexagone et surtout se laisser dicter les projets d’investissements.
Sans les lunettes, à entendre Macron, on pense avoir affaire à un homme engagé à rompre les amarres. Attention à ne pas commettre cette erreur ! Peuples Africains, il est impérieux de recourir aux lentilles pour avoir une vision plus claire des choses. Comment comprendre que le 1er citoyen du pays des libertés, de la démocratie et de la justice puisse accepter qu’un meeting de l’opposition ivoirienne soit interdit tout simplement parce qu’il se rend en Côte d’Ivoire ? N’est-il pas contradictoire que d’affirmer d’un côté qu’on est à l’écoute de la jeunesse et que de l’autre, on se rende complice de confiscation des libertés ?
Pis, il y a 15 ans des dizaines de jeunes manifestant pacifiquement devant l’Hôtel Ivoire ont été lâchement abattus par des militaires français postés à cet endroit. Morts que Macron le démocrate, »l’anti-Françafricain » a royalement ignoré. Il a préféré rendre hommage à 9 militaires français et un civil américain. Personnes présentées par les médias français victimes d’un bombardement d’un campement de soldats français par l’armée ivoirienne en novembre 2004. Macron qui prétend entendre la jeunesse ivoirienne et africaine a accepté que Nathalie Yamb soit expulsée de la Côte d’Ivoire pour ses opinions.
Macron n’a peut-être pas entendu que la jeunesse ivoirienne aspire à la paix. Sinon il aurait par pur respect du principe d’impartialité, recevoir le président Henri Konan Bédié qui peine à obtenir une petite depuis. Emmanuel Macron devait comprendre que c’est investi du mandat d’une frange de cette jeunesse -qu’il prétend d’ailleurs écouter- que cet ancien Chef d’État ivoirien a formulé le vœu de le rencontrer. Certainement pour évoquer des sujets liés au processus électoral à venir. Mais le chef de l’Elysée a passé 72 heures en terre ivoirienne sans avoir accordé ne serait-ce une poignée de minutes à l’opposition ivoirienne.
Nous admettons tous que cette visite était en réalité exclusivement orientée affaires. Mais peut-on bien faire des affaires en périodes troubles ? Est-ce à dire que la France ,malgré ces belles déclarations, continue d’exercer son diktat sur le palais présidentiel d’Abidjan-Plateau ? Macron a-t-il comme ses prédécesseurs à l’Elysée, choisi son camp ? Son candidat pour 2020 ? A l’heure du bilan partiel du quinquennat, une seule évidence : Macron est loin d’être l’Emmanuel tant annoncé, celui qui vient pour rompre avec l’ancienne alliance. Mais plutôt l’initiateur de la Françafrique 2.0
Marius Aka Fils